[Ce texte reprend des extraits du livre Agir pour un Monde Durable, paru en juin 2022 aux éditions Jouvence. Il a été rédigé par Pascale Fressoz, présidente de AIODD, et Corentin Biteau, vice-président France]

« Ce que le consumérisme fait vraiment, à son pire, est d’amener les gens à acheter des choses qui ne vont pas améliorer leur vie » – Jeff Bezos, patron d’Amazon

Pour atteindre les ODD liés à l’environnement dans les pays riches (notamment les 6, 7, 12, 13, 14 et 15), le retour à une certaine sobriété, qui nous rapproche de l’essentiel, est indispensable. Le degré de consommation actuel des pays riches n’étant pas durable, il s’agit de se libérer de l’état d’esprit consumériste. L’enjeu est double :

  • Minimiser les coûts sociaux et écologiques liés à la production
  • Libérer du temps et des ressources (notamment monétaires) pour les rediriger ailleurs

Consommer mieux..?

Si l’on demande à n’importe qui comment agir pour le climat, il y a de bonnes chances pour que l’une des actions suivantes surgisse:

  • Recycler
  • Sacs cabas
  • Changer les ampoules
  • Trier ses déchets

Tout cela est bien sur nécessaire, mais une question se pose: sont-ce là les actions les plus importantes que l’on peut faire?

Voici la liste de l’impact de nombreuses actions individuelles sur le climat:

Tonnes de CO2 évitées par des actions individuelles, en prenant en compte les décisions politiques. Source : https://founderspledge.com/stories/climate-and-lifestyle-policy-matters

La plupart des actions listées ci-dessus sont dans la colonne de droite. Pas très efficaces, donc…

Les éco-gestes les plus connus sont-ils vraiment efficaces?

Pourquoi? Déjà, parce que faire juste demande une grande attention. Une étude menée en Allemagne[2] a ainsi étudié les consommateurs qui s’estimaient éco-responsables… et a observé que globalement, ils n’avaient pas une empreinte écologique plus basse que la moyenne !

En fait, ils souhaitent agir de manière responsable, mais les solutions proposées sont souvent à faible impact (ampoules, cabas, recyclage…) qui restent en périphérie et pèsent peu face à des facteurs comme la taille du logement, le nombre d’appareils domestiques, l’usage de la voiture, la consommation de viande, les vols en avion, etc.). Le premier déterminant de l’impact environnemental, d’après l’étude, est donc… la richesse.

Comment éviter ce piège, donc? Trois options:

1) Essayer de consommer mieux

2) Consommer moins

3) Rediriger ses ressources ailleurs

Consommer mieux..?

La première option, que beaucoup essaient de faire, est de payer plus cher pour acheter des produits plus responsables.

Mais il est souvent très compliqué de connaître l’impact réel d’un produit. C’est possible, et utile, mais cela demande beaucoup de recherche et peu de garanties. Impossible de se baser uniquement sur le marketing seul, partial et qui finit régulièrement en greenwashing. Et certains labels ne sont pas nécessairement fiables.

Il y a toutefois des acteurs réellement crédibles, souvent orientés vers l’économie sociale et solidaire, donc sur la qualité et le sens du produit plutôt que sur la rentabilité maximale. On peut citer Biocoop (pour l’alimentation) le Crédit Coopératif (pour la banque), Fairphone (pour la téléphonie ou les photos), Patagonia (pour les vêtements de sport), etc. Il y a aussi des plateformes proposant les bonnes options telles que MyTroc[1] ou encore des ressourceries pour échanger des services (donner un cours de piano contre du babysitting).

Mais de manière générale, il est tellement difficile de s’informer correctement (étant donné le manque de transparence des chaines d’approvisionnement) que la plupart des personnes n’arrivent pas vraiment à consommer mieux, comme l’étude allemande l’indique.

Remettre en question nos objectifs actuels

En effet, un autre souci est qu’en essayant de consommer « mieux », on reste dans la dynamique qui pose problème en premier lieu: consommer toujours plus. Prenons l’exemple des pailles: les pailles à usage unique en plastique ont été interdites en France in y a 2 ans. Bien! Mais ce qui se passe est que maintenant, on a inventé toutes sortes d’autre pailles: en aluminium, en carton, en blé dur…

Sauf qu’on ne s’est pas posé la question: à quoi servent les pailles? N’existe-t-il pas des méthodes alternatives pour boire dans un verre, sans paille..? En attendant, on continue donc à produire toujours plus d’un objet inutile.

Consommer moins

Il sera donc plus productif de consommer moins: trouver d’autres manières d’être heureux en se satisfaisant de l’essentiel.

L’attitude de Greta Thunberg au sujet de la mode (2ème industrie la plus polluante du monde) peut nous inspirer : « Le pire scenario est que je devrais acheter d’occasion, mais je n’ai pas besoin de nouveaux vêtements. Je connais des gens qui en ont, donc je leur demanderais si je peux en emprunter ou s’ils ont quelque chose dont ils n’ont plus besoin. Je n’ai pas besoin de voler jusqu’à la Thaïlande pour être heureuse. Je n’ai pas besoin d’acheter des habits dont je n’ai pas besoin, donc je ne vois pas ça comme un sacrifice ».

En effet, si l’on a besoin de quelque chose, pourquoi ne pas le louer, l’emprunter, le réparer ou acheter d’occasion ? Même du côté de la nourriture, des applications comme Too Good To Go ou Phenix permettent de se rendre à une boulangerie ou un restaurant et d’y acheter des produits en limite péremption pour éviter le gaspillage.

Voici les actions individuelles les plus efficaces pour réduire son empreinte carbone, données indicatives sur une année (ODD 13), d’après Carbone4 :

A noter que, à part pour la mobilité au quotidien qui n’est pas forcément accessible à tout le monde (difficile de faire du vélo si le travail est à 20km), ces options sont souvent moins couteuses. La viande, l’avion et les vêtements neufs sont souvent plus chers.

L’impact démesuré du régime végétarien s’explique par le fait que la viande est la première cause de déforestation dans le monde, loin devant l’huile de palme. Cela est du au fait qu’une grande quantité de soja pousse sur les parcelles déforestées, et va être envoyée en Europe pour nourrir les animaux de chez nous. Greenpeace estime que pour 100 grammes de poulet, il faut 109 grammes de soja. Une autre option est de prendre uniquement de la viande bio est une possibilité (ou dans les rares cas où on connait l’éleveur, de l’extensif), mais alors en quantités plus réduites, comme une fois par semaine. Plus sur l’impact de la viande dans cet article.

Eviter l’effet rebond

Bien sûr, il faut aussi préciser qu’il est impossible d’être 100 % durable quand nous dépendons de chaînes d’approvisionnement qui ne le sont pas. Impossible de réduire un mode de vie durable à un ou deux actes, et impossible d’être parfait au vu de l’omniprésence des emballages et des transport carbonés. Dès lors, faisons l’essentiel de ce qui est aisément atteignable, puis redirigeons le reste de nos efforts vers des changements plus systémiques.

Par ailleurs, consommer moins a une conséquence imprévue. En consommant moins, on économise bien évidemment de l’argent. Cependant, une autre menace se fait sentir: celle de l’effet rebond. En effet, si l’on dépense moins dans un domaine, alors on peut dépenser plus ailleurs. L’argent va en effet être dépensé à un moment ou un autre. Nos efforts risquent bien d’être réduits à néant: comme indiqué par l’étude allemande, le premier indicateur de l’empreinte écologique est la richesse. Même si on s’essaie aux éco-gestes, les frais de transport évités par les trajets en vélos permettent d’acheter de plus grands logements et de faire plus de séjours aux Caraibes…

Cela pose la question suivante: si on consomme moins, une fois que les besoins de base sont satisfaits, que faire de cet argent?

Une réponse peut découler de ce qui a été vu dans cet article: faire un don nous apporte plus de bien-être qu’acheter du superflu. A partir de là, pourquoi ne pas donner ces ressources en plus à ceux qui en auront une meilleure utilité que nous ? Cette piste est explorée ici.

Vous pouvez en savoir plus dans le livre complet, Agir pour un Monde Durable.

Vous pouvez également voir la version vidéo qui résume plusieurs des points ci-dessus:

[1] https://leshorizons.net/mytroc/

[2]https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0301421513008537

 

 

 

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