[Ce texte reprend des extraits du livre Agir pour un Monde Durable, paru en juin 2022 aux éditions Jouvence. Il a été rédigé par Pascale Fressoz, présidente de AIODD, et Corentin Biteau, vice-président France]

« Pour gagner la bataille, il faut transcender le seul maillon individuel et accéder à un niveau collectif d’action » – Rapport du Cabinet Carbone4

 

Agir individuellement ou collectivement?

Nombreux sont ceux qui se posent la question suivante: face aux grands défis actuels, faut-il agir individuellement ou collectivement?

Eh bien, pourquoi pas les deux?

En effet, ils sont complémentaires. Plusieurs articles ici parlent de comment agir individuellement – mais bien sur, pour résoudre les grands problèmes de notre temps que décrivent les ODD, il sera nécessaire d’aller plus loin. Les structures économiques et politiques qui nous entourent, l’organisation même de nos sociétés, ont une large influence sur nos comportements, et il n’est pas possible d’avoir un mode de vie vraiment durable en vivant dans un milieu qui n’est pas structuré pour ça. Un exemple classique est l’omniprésence de la voiture, qui dépend de choix politiques et institutionnels de long terme, ce qui fait qu’il est difficile de s’en passer en campagne.

A l’inverse, difficile d’imaginer obtenir de grands changements sans modifications nos comportements actuels. Demander des réformes importantes sera peu convaincant aux yeux des autres si l’on ne bouge pas soi-même. Là encore, c’est l’exemple qui fait foi, plutôt que les paroles.

 

Faire de l’action individuelle un terreau pour l’action collective

Comment faire? Sensibiliser, expliquer, c’est utile mais pas suffisant pour inciter aux changements indispensables. Ce qui peut marcher, en revanche, c’est d’amener à faire des choses ensemble. Les grandes causes ont du mal à mobiliser : elles sont abstraites, souvent loin du quotidien et si larges qu’on a l’impression de ne pas pouvoir faire la différence… Alors que commencer par la mise en place d’actions très concrètes permet d’expérimenter par soi-même et peut être bien plus gratifiant.

En effet, les humains ne sont pas des créatures rationnelles, qui voient la réalité telle qu’elle est puis adaptent leur comportement en fonction. Les recherches en psychologie semblent plutôt indiquer que nous sommes des êtres rationnalisant: nous faisons des choses, pour une multitude de raisons (environnement social ou culturel, norme sociale, désirs de court-terme), puis nous adoptons des croyances qui justifient nos actions.

Tout porte dont à croire que changer les croyances pour changer les comportements est donc une tache ardue. L’éducation seule, bien qu’importante, est très insuffisante pour faire bouger les choses. A l’inverse, il semblerait que mettre en action d’abord soit une étape indispensable: cela permet de voir qu’il est possible de faire les choses autrement… et donc de changer ses croyances par la suite.

 

Ma Petite Planète

Un des meilleurs cadres que nous avons pu trouver pour créer cette dynamique positive est Ma Petite Planète, un jeu collaboratif où de nombreux défis écologiques sont relevés en équipes pendant 3 semaines (avec des amis, en famille ou avec des collègues). Ces défis sont parfaitement en phase avec les ODD. Quand on réalise un défi, on montre aux autres une preuve de ce que l’on a fait, par des photos ou du texte. Et en voyant les autres agir, on a aussi envie d’agir – nous retrouvons là l’effet de la norme sociale.

L’action ne vient pas de la contrainte, mais parce qu’on a envie de le faire (et aussi parce que l’on gagne des points). Le jeu génère un effet de groupe car deux équipes s’affrontent, chacun collaborant pour faire avancer son équipe en réalisant toujours plus de défis. Enfin, le grand nombre de défis (faciles et difficiles) donne aussi l’occasion de se renseigner sur des facettes sous-estimées dans des domaines différents (alimentation, énergie, économie circulaire, technologie, pauvreté, etc).

Le point fort du jeu Ma Petite Planète réside dans l’ambiance générale, très positive. Corentin Biteau, co-auteur, a animé plusieurs équipes sur ce jeu et a eu droit à des retours qui ont donné le sourire : « Pour tout avouer, on s’éclate, super aventure, belles rencontres, défis motivants, et ambiance hilarante ! » Dans quelles autres actions liées à l’écologie peut-on retrouver un tel enthousiasme ?

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En fait, si vous êtes sensible au format « liste d’actions concrètes », nous ne pouvons que vous conseiller ce jeu, car les défis y sont mis à jour régulièrement, et le cadre favorable y est propice.

Notez qu’il est également possible de mettre en place Ma Petite Planète dans les écoles et dans les entreprises. Cela a aussi pour effet annexe de renforcer le lien au sein des équipes et des classes, en permettant de d’y mettre ensemble. La version pour les écoles permet aussi de sensibiliser les petits sur le sujet, qui motiveront ensuite leurs parents.

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Plus de 70 défis pour agir ensemble

Voici quelques exemples d’actions que l’on retrouve dans Ma Petite Planète, présentées par ODD sachant que chacune a forcément un impact sur plusieurs ODD.

  • ODD 1 et 10: S’investir auprès de personnes vulnérables, dons d’objets, de nourriture, soutien aux sans-abris ou migrants, valoriser la diversité…
  • ODD 2: Faire ses courses chez des producteurs/enseignes engagées, entretenir un potager, sauver des aliments périssables…
  • ODD 3: Prendre soin de vous et des autres, développer d’autres sources de bien-être, méditation, soutenir une association dans le domaine de la santé, la nutrition.
  • ODD 4: Se former, faire son bilan carbone, lire et transmettre des informations – ODD, recherche de sources d’informations fiables (au plus près de la science).
  • ODD 5: Sensibiliser aux droits, participer à des conférences sur l’égalité.
  • ODD 6, 7: Consommer avec modération eau et énergie, en limitant certains usages.
  • ODD 9: Inspiration entrepreneuriale, valoriser l’action d’un chef d’entreprise éco-responsable, soutien financier aux éco-entrepreneurs/ESS.
  • ODD 11: Mobilité douce (faire du vélo, covoiturage, transports en commun), mutualisation (habitat, services…).
  • ODD 12: Acheter bio, éthique, se faire prêter un objet ou en réparer un, acheter d’occasion, réduire ses déchets, sélectionner ses fournisseurs (éco-responsabilité…).
  • ODD 13, 14, 15 : Limiter ses impacts sur l’environnement et la biodiversité, observer, protéger la nature qui vous entoure.
  • ODD 16: Interpeller un responsable politique (voire même arriver avec une proposition concrète !), participation collective et co-construction de projets, parlez avec votre voisin !
  • ODD 17: Passer à une banque soutenant des projets éthiques, impliquer d’autres personnes dans des défis, faire des dons (altruisme efficace).

Générer un récit autour de ces actions

L’approche collaborative et l’engagement par l’expérimentation marchent mieux que la « compréhension des phénomènes » uniquement.

Ceci permet de briser le cercle vicieux de la déresponsabilisation et notre tendance naturelle à pointer du doigt l’inaction des autres acteurs de façon à justifier notre propre inaction. De plus, en menant des projets avec les autres, nous aurons développé une certaine crédibilité, et éventuellement gagné un groupe motivé capable de faire essaimer des idées où tout le monde se tire vers le haut. Que ce soit en allant vers une vie plus simple ou en étant volontaire pour aider les plus pauvres, toutes nos actions donnent un exemple… Agissons par l’exemplarité en étant actif dans plusieurs domaines à la fois.

Cyril Dion, réalisateur du film Demain, le résume bien : « l’action individuelle n’est pas une fin en soi. C’est un début. C’est en se posant des questions dans sa propre vie, en mettant en pratique certains actes, que l’on est amené à lire, à chercher, à comprendre et, d’une certaine façon, à politiser sa démarche. Tout en prenant sa part de responsabilité. Comment engager des modifications plus larges, structurelles […] sans avoir cette porte d’entrée ? Sans avoir une perspective motivante du sujet ? Sans la présence d’une dynamique touchant beaucoup de personnes qui soit là pour informer sur le sujet, modifier notre rapport au sujet, et permettre de développer les valeurs morales de préservation de l’environnement ? »[1]

Cette action commence souvent au niveau local. La résilience et l’autonomie territoriale sont de très bons angles d’approche, car on peut se sentir concerné. Citons notamment des portes d’entrée comme l’agroécologie, la permaculture, les circuits courts, les coopératives d’habitants, les low-tech ou les biorégions[2]. On acquiert des compétences, on gagne en leadership et en communication. Nos actions dans ce sens donnent un aperçu du monde vers lequel tendre, un récit inspirant que l’on a envie de suivre.

Il y a plusieurs niveaux d’action pour le niveau collectif, bien sur. Il est possible d’agir au niveau national, au niveau des collectivités, des entreprises… Mais il est important de se rappeler qu’au début, l’essentiel de l’impact que l’on peut avoir se trouve au niveau local. En effet, c’est là que l’on connait les gens, que l’on peut avoir confiance les uns envers les autres, et que l’on peut adapter son action aux spécificités du territoire.

D’abord agir au niveau local, dans sa sphère d’influence, où on a un impact, où on va apprendre à faire les choses. Puis, pour aller au-delà, transformer ses actions en imaginaire inspirant, en documentant et en partageant ce qu’on a fait. Montrer sa transformation C’EST inspirant !

La conférence d’Arthur Keller développe mieux la façon dont ceci peut prendre place.

 

Pour aller plus loin

D’autres niveaux d’actions sont bien sur importants. Un article précédent parle du travail réalisé par plusieurs associations pour obtenir des changements plus globaux sur les normes et les lois.

Enfin, des niveaux d’actions collectifs indispensables sont au niveau des entreprises, et au niveau des collectivités. Vous pouvez en savoir plus dans le livre complet, Agir pour un Monde Durable, qui détaille une méthode en Neuf Etapes pour planifier le changement et intégrer les ODDs dans ces organisations.

 

[1]https://www.terrestres.org/2019/01/16/resister-mais-comment/

[2] Arthur Keller, conférence « Les grands défis de notre temps »

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