[Ce texte reprend des extraits du livre Agir pour un Monde Durable, paru en juin 2022 aux éditions Jouvence. Il a été rédigé par Pascale Fressoz, présidente de AIODD, et Corentin Biteau, vice-président France]

« Je pense que l’on aime regarder en arrière et se dire que l’on a fait de son mieux pour construire un monde meilleur pour les autres. » Henri Spira

 

On a tous envie que le monde soit un endroit meilleur. Mais par où commencer?

De nombreuses associations agissent pour aider les autres, que ce soit au niveau social, culturel ou environnemental, sur a peu près tous les sujets. Seulement, il n’est pas facile de savoir l’impact réel qu’un don pourra avoir.

Faisons une expérience de pensée.

Imaginons que vous pouvez soutenir une association qui va faire une action pour aider les autres. Est-ce que vous préfèreriez que l’association fasse une action qui aide 2 personnes, 100 personnes, ou zéro?

Evidemment, formulé comme ça, on a envie de prendre celle qui aide 100 personnes!

Seulement, en pratique, il n’est pas évident de savoir quelle action obtiendra ce résultat – surtout quand on ne se pose pas la question ouvertement. Il se trouve que la plupart du temps, on va plutôt du côté des actions qui vont aider 2 personnes. Voire même zéro ! En effet, les bonnes intentions ne sont pas suffisante et un des défauts majeurs des activistes est de s’épuiser dans des actions à faible impact.

Les bonnes intentions ne suffisent pas

Lors du tsunami qui a touché l’Asie du Sud-Est en 2004, beaucoup de personnes ont voulu faire quelque chose et ont donné par exemple des vêtements. Mais les normes culturelles faisaient que des vêtements d’occasion ne seraient pas utilisés, et ce n’était de toute façon pas une priorité. En conséquence, des tas de T-shirt de plusieurs mètres de haut, transportés au prix fort en avion, se sont empilés sur les tarmacs des aéroports indonésiens, compliquant la logistique et le stockage des denrées de première nécessité. Dans le même esprit, il y a eu cette dame qui a appelé UKAid pour leur dire qu’elle avait passé la journée à cuisiner des gâteaux pour les victimes du tsunami… L’intention est tout à fait louable, mais elle appuyait sur le mauvais levier d’action, et n’a donc rien apporté.

Pour éviter ce genre d’écueil, un mouvement, soutenu par des personnalités comme le français Matthieu Ricard, cherche à identifier ces actions prometteuses: l’altruisme efficace. Ce mouvement a adopté une démarche scientifique pour évaluer les impacts réels des actions proposées, dans l’essence même du partenariat (ODD 17). Givewell.org, par exemple, indique les associations les plus efficaces pour sauver une vie ou lutter contre la pauvreté. Bien sûr, tout n’est pas évaluable et tout n’est pas évalué (l’UNICEF n’a pas souhaité être auditée par exemple, et elle cherche aussi à impulser des politiques, ce qui est peu comparable), mais leurs recommandations sont transparentes et reposent sur les méthodes d’évaluation scientifique les plus rigoureuses.

Nos moyens étant limités, où les rediriger?

Que faire, par exemple, au sujet de la cécité ? On pourrait former un chien d’aveugle. Dans un pays développé, cela coûte 40 000 $. En revanche, si l’on opère quelqu’un de la cataracte dans un pays en développement, il n’en coûte que 1000 $[2]. Les associations les plus efficaces vont avoir un impact de 10 à 1000 fois supérieur à celles qui sont dans la moyenne !

Maintenant, qu’est-ce que cela donnerait appliqué au changement climatique ? L’association Founder’s Pledge a évalué plusieurs associations efficaces dans ce domaine[3], et le graphique qui suit peut nous donner des éléments de réponse.

Impact carbone des gestes individuels les plus efficaces comparés à l’impact d’un don de 1000 $ aux associations recommandées par Founder’s Pledge (en tonnes d’équivalent CO2). Un Français émet ~11 tonnes par an (attention c’est une moyenne).

On voit ainsi que l’impact potentiel d’un large don (aux associations les plus efficaces, attention) permet d’avoir un impact bien plus grand que la plupart des écogestes.


Qui soutenir pour l’atteinte des ODD?

Alors, où donner pour les ODD ? Un des co-auteurs du livre et vice-président France en charge des publications, Corentin Biteau, a mené des recherches pour identifier des associations françaises à fort potentiel d’impact, capables d’aider un grand nombre de personnes. Il a mené ce travail au sein de Altruisme Efficace France, et rédigé un guide à ce sujet, disponible ici : https://www.altruismeefficacefrance.org/donner-efficacement.

Ce guide traite de nombreux sujets, dont la lutte contre les maladies à l’échelle mondiale et la protection de l’environnement.

Par exemple, sur le sujet de l’environnement, est un levier crucial dans l’atteinte des ODD est la réduction de la consommation de produits animaux, comme discuté dans cet article. En effet, il s’agit de:

  • Cause n°1 de déforestation
  • Cause n°1 de perte de biodiversité
  • Cause n°1 de souffrance animale
  • Cause n°1 de pollution de l’eau
  • Fait concurrence à l’alimentation humaine
  • Une des causes majeures de pandémies

Il s’agit donc d’un levier particulièrement important.


Il y a bien sûr de nombreuses autres associations que nous vous conseillons d’explorer. Notez aussi que, en France en tout, les dons sont déductibles des impôts à 66%: on ne paie donc réellement qu’un tiers du don!


Donner, dans quelle mesure?

Après se pose la question suivante: combien donner? Comme on a pu le voir dans des précédents articles, utiliser son argent pour la consommation n’est pas une manière très efficace d’être heureux sur le long-terme. Les dons se révèlent plus satisfaisants – pour soi et les autres. Et comme vu ci-dessus, rediriger ses ressources pour les autres semble avoir bien plus d’impact que de consommer mieux.

Ainsi, l’option de donner une partie de ses revenus à des associations qui œuvrent pour le bien commun peut avoir de nombreux bénéfices. Bien sur, cette option est pour ceux dont les besoins primaires sont satisfaits – il ne s’agit pas de se mettre en danger quand on n’arrive pas à joindre les deux bouts.

Quand ces conditions sont remplies, l’altruiste Tony Robbins estime « qu’il faut mettre de côté 10 % de ce que l’on gagne et le donner aux autres. Pourquoi ? Tout d’abord parce que l’on doit rendre [à la société] ce que l’on prend. Ensuite, parce que cela crée de la valeur, pour vous et pour les autres. Enfin, et c’est là le plus important, parce que celui qui agit ainsi envoie à son subconscient et au monde le message suivant : il y a plus qu’assez. On peut tirer de ce message une croyance fondamentale : s’il y a plus qu’assez, cela veut dire que vous pouvez avoir ce que vous voulez, et les autres aussi. Et une fois cette croyance établie, elle devient réalité. »

Tony Robbins n’est pas le seul : plus de 7 000 personnes ont signé un engagement à donner 10 % de leurs revenus sur l’ensemble de leur carrière. Il suffit de mettre en pratique ce concept pour se rendre compte qu’au final notre qualité de vie n’en est pas beaucoup affectée. Au début, il est conseillé de commencer par des petites sommes, comme 1 % ou 5 %, pour voir si le budget tient le coup, et d’augmenter au fur et à mesure la proportion. Dans les périodes plus difficiles (sans emploi, étudiant), 1 % ou moins est plus adapté.

Cela est d’autant plus vrai que, pour ceux vivant dans les pays riches, on a tendance à sous-estimer à quel point nous avons des ressources comparé au reste du monde. En France, avec un SMIC (salaire minimum), on gagne plus que 90% de la population mondiale, rapporté au pouvoir d’achat! Je vous conseille de voir où vous vous trouvez par rapport aux autres sur ce calculateur.

Enfin, les gains en termes de sens et de bien-être sont bien plus considérables que les plaisirs temporaires qu’on aurait pu acheter par cet argent. Cela peut même initier un changement de perspective : ai-je vraiment envie de mettre 100 € dans un vêtement rapidement démodé quand je pourrais, avec cet argent, distribuer 20 moustiquaires contre la malaria, sauver 1000 animaux d’un abattoir, donner contre la faim ou éviter l’équivalent d’une année d’émissions de CO2 ?[1]. Pour cette raison, nous, les auteurs de ce livre, donnons actuellement des montants allant entre 10 et 30 % de nos revenus… et nous en sommes très heureux !

Vers un autre usage de notre temps

En se détachant progressivement de la quête consumériste sans fin, nous libérons aussi du temps. Il peut être utilisé pour faire du bénévolat, qui fait partie des actions les plus corrélées au bien-être. L’impact ne sera sans doute pas aussi important que le don, mais moins abstrait. Il nous donnera quelque chose de crucial : du lien social, un travail de groupe vers un but commun, et surtout des conséquences visibles et satisfaisantes.

Il y a encore une autre piste à mentionner : utiliser le potentiel de notre carrière. L’organisation 80 000 Hours (en référence au nombre d’heures passées au travail dans une vie) prodigue de précieux conseils sur le sujet. Travailler, par exemple, dans un domaine politique pour influencer les lois. En France, le collectif Effisciences cherche à orienter la recherche scientifique pour qu’elle soit plus impliquée face aux problèmes du monde. Le guide pour mener une carrière à fort impact dans le domaine de la durabilité et la solidarité, traduit en français, permet d’aller plus loin[6].

Pour aller plus loin, l’article suivant résume plusieurs sections du livre Agir pour un Monde Durable sur l’action individuelle, comme l’action collective ou le rapport à la consommation: Comment agir pour un monde durable à notre niveau?

Les articles suivants permettent également d’aller plus loin sur l’altruisme efficace, en français ou en anglais. Voir aussi le site https://www.altruismeefficacefrance.org/.

 

[1] https://www.givingwhatwecan.org/charity-comparisons/

[2] https://www.givingwhatwecan.org/charity-comparisons/

[3] https://founderspledge.com/stories/climate-and-lifestyle-donations-and-offsetting

[4] https://www.thelifeyoucansave.org/best-charities/population-services-international/

[5] https://animalcharityevaluators.org/blog/top-animal-charities-and-climate-change/

[6] https://medium.com/altruisme-efficace/guide-pour-mener-une-carri%C3%A8re-%C3%A0-fort-impact-social-d5888d53917e

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