[Ce texte reprend des extraits du livre Agir pour un Monde Durable, paru en juin 2022 aux éditions Jouvence. Il a été rédigé par Pascale Fressoz, présidente de AIODD, et Corentin Biteau, vice-président France]

« Que celui qui veut faire bouger le monde se déplace d’abord lui-même » – Socrate

 

Libérons notre potentiel d’action

L’évolution considérable de nos sociétés dans les deux derniers siècles nous dépasse, et nous avons encore du mal à en mesurer les conséquences. Il y a 200 ans, nos actions n’avaient qu’un rayon d’action limité : nos actions affectaient l’échelle de notre village, et, à part pour les individus les plus puissants, notre rayon d’impact s’étendait aux individus et la nature proche de chez nous. Mais à présent, nos posts facebook peuvent être vus par deux milliards de personnes, nos T-shirts traversent la moitié de la planète avant de finir dans nos armoires, et l’argent se transmet instantanément dans n’importe quel pays du globe. Pourtant, nous semblons oublier que nous avons ce pouvoir. Nos actions quotidiennes peuvent contribuer aux crises actuelles sans qu’on s’en rende compte. Mais si l’on utilise bien nos actions, elles ont aussi le potentiel d’améliorer la vie de nombreuses personnes. Voyons donc ce que nous, en tant qu’individus et citoyens, avons le pouvoir d’accomplir.

Généralement, le problème n’est pas que nous ne voulons pas aider les autres. C’est plutôt que nous ne savons pas vraiment comment agir, que nous avons trop d’inertie pour le mettre en pratique, ou que nous investissons beaucoup de temps et de ressources à la poursuite de plaisirs qui sont très attirants, mais qui ne nous satisfont pas sur le long terme.

Pour cette raison, nous n’allons pas faire une liste exhaustive des choses qu’il faudrait faire pour les ODD, qui ne serait probablement pas suivie – mais nous allons tenter d’aller directement à l’enjeu principal, qui est de débloquer notre potentiel d’action. Nous vous proposons donc le plan suivant. D’abord, trouver d’autres sources de bien-être qui vont concurrencer nos envies de court terme. Ensuite, rediriger le temps dégagé (et potentiellement l’argent) dans des projets qui vont dans le sens du bien commun et enfin, faire en sorte que nos actions individuelles servent de terreau à une action collective plus large.

Se donner le pouvoir d’agir

« Plus nous aidons autrui, plus cela nous rend heureux ; mais aussi plus nous sommes heureux, plus nous aurons tendance à aider autrui » – Matthieu Ricard

C’est aussi que l’on appelle le renforcement de capacités et développement personnel. Il est compliqué d’agir pour les autres quand on est soi-même à la poursuite de tout ce que nos pulsions nous dictent, que ce soit la recherche du statut social, des divertissements ou du confort. Pour remédier à cela, voici quelques pistes… en repartant de plusieurs points évoqués dans cet article.

Prendre du recul

Nous avons déjà mentionné dans cet article l’entrainement mental permettant de calmer la partie de notre cerveau qui nous pousse continuellement d’une envie à l’autre : la méditation. Rien qu’une pratique quotidienne de 5 à 10 minutes permet de prendre du recul et d’apaiser l’esprit. L’objectif est de parvenir à accepter et apprécier l’instant présent, tel qu’il est, car c’est la seule chose que nous ayons vraiment. C’est quelque chose qui s’obtient avec une pratique régulière, même courte: cela implique d’y assigner un créneau fixe quotidien. En modifiant notre perception des choses, nous serons moins dépendants des évènements extérieurs pour notre propre bonheur. Cela boostera notre potentiel d’action. L’Art de la Méditation de Matthieu Ricard est une bonne base, ainsi que l’application Waking Up (en anglais), et L’Art de Vivre de William Hart donne des éclairages précieux sur la nature de notre esprit.

Une autre piste est celle de la gratitude : dire « merci » pour ce que l’on a déjà. Un exercice simple est celui du carnet de gratitude. Chaque jour, par exemple le soir avant de dormir, on écrit dans un carnet trois choses qui se sont passées dans la journée pour lesquelles on ressent de la gratitude. Cela peut être une discussion intéressante, un joli paysage, ou tout simplement le fait d’être en vie, sans danger pour sa sécurité, avec de l’électricité, de l’eau courante et à manger !! Même si nous n’avons pas tout ça, même quand la journée n’était pas la meilleure, il y a toujours quelque chose de positif dans ce que nous avons vécu.

Combler notre besoin de sens

Trouver un sens et une dynamique globale permet de canaliser nos actions en allant dans une direction précise. Essayez de penser au pourquoi de votre présence sur Terre. Dans quelle perspective globale nos actions s’inscrivent-elles ? S’il y a une chose que vous souhaiteriez changer dans le monde, une chose qui vous touche profondément, laquelle serait-ce ?

Trouver la réponse à cette question n’est bien sûr pas une mince affaire, mais cela peut définir une vie. Des livres comme Les Lois de la Nature Humaine ou Atteindre l’Excellence, de Robert Green, fournissent un éclairage précieux pour comprendre comment trouver cette vocation. Nous pourrons aussi chercher de l’appui du côté des grandes religions, ou des différentes philosophies. Par exemple, celles des stoïciens. Ils considéraient les obstacles non pas comme quelque chose à éviter, mais qu’il fallait accueillir, car c’est l’adversité qui nous permet de nous améliorer, de construire notre potentiel !

Cet article permet d’aller plus loin sur la question.

User de bienveillance envers nous-même

Pour agir vraiment différemment, il faut un effort conscient pour développer une nouvelle habitude, jusqu’à en faire un automatisme. Aller à son rythme, modifier une mauvaise habitude à la fois, en commençant par de petites doses régulières à augmenter plus tard. Les petites victoires sont importantes, elles montrent que l’on peut changer. Les échecs, eux, sont une opportunité d’apprendre et de s’améliorer.

Attention par contre, le stress nous pousse vers les décisions les plus court-termistes. Il ne faut donc pas se mettre la pression quand on a du mal à changer nos habitudes: cela nous stresse et rend la tâche encore plus ardue. La bienveillance envers soi-même est alors utile. « L’idéal de pureté » est un piège. Il pousse nos attentes haut, très haut, et comme on ne peut pas atteindre la perfection, l’inévitable déception qui va suivre ne pourra que nous décourager. Le perfectionnisme constitue un frein à l’action. Plutôt que se demander si l’on arrive à changer le monde, regardons déjà si nous avons pu améliorer la vie d’une autre personne ou d’un animal, comme premiers pas vers de nouvelles étapes!

Déterminer ce qui contribue à notre bien-être

Des chercheurs de Harvard[1] ont évalué les niveaux de bien-être associés à 4 types de dépenses :

  • Acheter des objets
  • Payer quelqu’un qui réalisera une tâche que nous ressentons comme rébarbative à notre place (ex. le ménage)
  • Financer des expériences partagées (ex. une activité avec ceux que l’on aime)
  • Faire un don.

Le résultat ? Acheter des objets est ce qui donne le moins de bien-être. Pourtant, c’est ce qu’on a tendance à faire. En revanche, faire des dons est plus impactant – pour soi et pour les autres.

Le psychiatre de Harvard, George Vaillant, de son côté, a mené une autre étude qui a étudié des hommes, toute leur vie durant, pour voir ce qui contribue à leur bien-être. La conclusion de ses recherches ? « Le bonheur c’est l’amour. Point final ». Si vous faites passer le travail, le succès ou l’argent avant les relations humaines de proximité (amis, famille, amour), vous allez sacrifier ce qui vous fait vraiment du bien. C’est aussi pour cette raison que le consumérisme et la technologie, malgré leurs promesses, ne peuvent pas nous apporter le bonheur. Pas parce qu’ils sont malfaisants en soi, mais parce qu’ils ne le peuvent pas.

Que faire alors ? Le World Happiness Report[2] a évalué les activités corrélées à un bien-être plus élevé que la moyenne parmi des adolescents. On retrouve dans l’ordre : le sommeil, le sport, les conversations en face à face, et le bénévolat.

S’éloigner des sources de frustration

Toujours d’après le World Happiness Report, on retrouve parmi les activités associées à un mal-être accru toutes celles liées à l’utilisation d’écrans, comme les réseaux sociaux ou internet ! En effet, comme ils sont addictifs par nature, ils concurrencent le sommeil et la socialisation de proximité qui nous sont indispensables. Aux USA, les symptômes dépressifs des garçons ont ainsi augmenté de 21%, et ceux des filles de 50% entre 2012 et 2015 !

Ne comptons pas sur la seule volonté pour s’autoréguler: comme notre cerveau est attiré par l’information, il est difficile de résister quand ils sont dans les parages. La meilleure option restera donc de rendre leur utilisation plus difficile : en les éteignant ou en bloquant les sites les plus chronophages, en désinstallant tout ce qui n’est pas utile, et en coupant les notifications.

Une autre source de frustration est la publicité, qui nous montre continuellement ce que l’on pourrait avoir. Utiliser des autocollants « Stop pub » sur sa boîte aux lettres est un début, tout comme placer sur internet un bloqueur de publicité. Comme les supermarchés sont organisés pour nous amener à acheter le plus possible, vaut mieux les éviter ou arriver avec une liste préparée qui correspond à nos besoins réels.

 

De manière générale, il est aussi important de se rappeler que le changement prend du temps – et qu’il faut aller à son rythme. Changer ses habitudes ou sa manière de faire demande des réorganisations dans la structure du cerveau, ce qui n’est pas immédiat. Et rappelez-vous que pour les autres, il n’est pas non plus facile de changer et de se détacher de nos automatismes. Comme le formule Socrate, « Soyez ouvert, amical et positif avec toutes les personnes que vous rencontrez; tout le monde mène un combat long et difficile. »

Une fois ces étapes accomplies, il sera plus aisé de revoir son rapport à la consommation, ou de rediriger ses ressources pour les autres.

Vous pouvez en savoir plus dans le livre complet, Agir pour un Monde Durable.

 

[1]https://www.theatlantic.com/family/archive/2020/10/why-life-has-gotten-more-comfortable-less-happy/616807/

[2] https://worldhappiness.report/ed/2019/the-sad-state-of-happiness-in-the-united-states-and-the-role-of-digital-media/

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